#1 Comment digitaliser les commerces de proximité ? avec Edouard Morhange CEO d’Epicery

Edouard s'est lancé dans cette bataille il y a déjà bien longtemps. La livraison et le click-and-collect n'ont plus de secrets pour lui ! Il a 1001 anecdotes à nous raconter sur les do et les don't en matière de digitalisation des commerces de bouche.

Edouard s'est lancé dans cette bataille il y a déjà bien longtemps. La livraison et le click-and-collect n'ont plus de secrets pour lui ! Il a 1001 anecdotes à nous raconter sur les do et les don't en matière de digitalisation des commerces de bouche.

Romain Achard

Et 3… 2... 1... Partez ! Bonjour à tous et merci d'être présent en live pour notre première série de webinaires Local Mania. 

Local Mania, c’est une série de webinaires sur le marketing local pour les points de vente. On va vous faire découvrir de nombreuses technologies, rencontrer les acteurs du marché, comprendre les spécificités, et  présenter les « do » et « don’t » sur tout ce qu'il faut faire ou ne pas faire en termes de marketing local

Aujourd'hui, je suis très content de vous retrouver pour la première de Local Mania. Et comme un bonheur n'arrive jamais seul, j'ai la chance et le grand honneur d'être accompagné d’Edouard Morhange, le CEO d’Epicery. 

Bonjour Edouard.

 

Edouard Morhange

Bonjour Romain.

 

Romain Achard

Alors pour résumer Epicery, c'est un service de livraison à domicile. Non pas de plats à la Uber Eats, mais de produits de commerçants, de bouche, d'artisans, de charcutiers ; votre boucher, votre primeur. C'est une plateforme très innovante et très marketing local. 

Pour ceux qui ne me connaissent pas, je suis Romain Achard, CMO et co-fondateur de The Ramp, une plateforme à destination des enseignes à réseaux. The Ramp permet de gérer, via une interface unique et simple, l'ensemble des campagnes publicitaires des réseaux. 

Alors, arrêtons un peu l'auto promo et donnons-nous 30 minutes pour faire le tour et parler de commerce de proximité et de digitalisation. Sur le côté, vous pouvez nous poser des petites questions. C’est toujours intéressant et on tentera d'y répondre en fin de webinaire. 

Donc maintenant place à Edouard. On se connait depuis un certain nombre d'années. On a démarré ensemble dans le multimédia, le numérique, le digital. Les liens Internet n'existaient pas encore. L'idée, c'est peut-être que tu te présentes, nous raconte un peu d'où tu viens, ton parcours, tes histoires personnelles et comment tu a eu, un peu, cette idée folle de lancer Epicery.

 

Edouard Morhange

Merci Romain. Donc je suis Edouard Morhange. Je suis co-fondateur avec Elsa Hermal et Marc Menasé de la plateforme Epicery, qui est une place de marché, une marketplace, qui réunit des commerçants et des artisans alimentaires et permet au grand public de commander chez les artisans de sa ville ; de quoi dîner ce soir, de quoi organiser son déjeuner de famille samedi. Bref, tout ce qu'il faut à la fois pour le quotidien et pour les fêtes.

Ce n’est pas ma première boîte, j’en ai créé quatre avant. Effectivement, on a commencé il y a bien longtemps avec Romain dans le numérique, avant le début des Internet. Moi, j'ai eu la chance de travailler dans l'univers du cinéma en créant Monsieur Cinéma. J'ai lancé ensuite du speed dating online au début des années 2000, une agence de communication qui s'appelait Nouveau Jour et finalement, une plateforme de lecture en ligne pour les enfants qui s'appelle Storyplay'r et qui est toujours accessible.

A côté de mes activités professionnelles, j'ai eu la chance d'avoir quatre enfants magnifiques et je me suis rendu compte très vite, que c'était extrêmement important de leur transmettre une certaine éducation au goût des bonnes choses à la cuisine. J'ai été très frappé par le discours de Jamie Oliver en 2013, qui parlait des épidémies d'obésité, de maladies cardio-vasculaires qui allaient arriver à cette génération qui consommait trop de produits transformés, ultra transformés, par l'industrie agroalimentaire. Et donc j'ai milité à la fois chez Slow Food et à la Jamie Oliver Foundation pour que les gens se remettent à faire la cuisine à partir de produits frais.

Et en 2016, alors que se lançaient les premières plateformes de livraison de plats de restaurants, tu parlais de Take Eat Easy, Deliveroo, Foodora, etc ; se lancer à cette époque-là, on s'est dit que ce modèle de digitalisation du petit commerce est super intéressant. Mais si, au lieu de l'appliquer une fois de plus au burger, à la pizza, à toute cette street food qui, entre guillemets, n’est pas excellente pour la santé si elle est consommée en trop grande quantité ; si on l'appliquait à des commerçants qui vendent des produits bruts ? Donc des fruits et légumes de mon primeur, de la viande chez mon boucher, du poisson chez mon poissonnier, le fromage, le pain, etc. 

À l'époque, en 2016, c'était quelque chose qui était un peu un pari puisque les commerces alimentaires étaient probablement les moins digitalisés, puisqu’ils n’allaient pas sur les marketplaces existantes, que ce soit Amazon, Cdiscount, etc. Il était quasiment impossible de trouver une offre de produits frais de ces commerçants de qualité de quartier. 

Donc on y a été avec une maquette, avec une envie. On a été frapper à leur porte. C'est la première leçon qu’on a tirée de cette expérience, c'est que le contact humain est primordial pour aller expliquer son projet aux commerçants. Aujourd'hui, les choses ont évolué. Ils viennent plus volontiers vers nous. Ils sont un peu plus habitués au système. Mais malgré tout, le commerce de proximité, c'est une histoire d'hommes. Et notamment dans des métiers un peu bruts comme celui de la boucherie ou de la poissonnerie. Aller rencontrer le patron, aller se taper dans la main, ça a une importance considérable pour entretenir la relation qui doit être une relation directe avec la plateforme. 

On a lancé en 2016 la plateforme à Paris avec 150 commerçants à l'époque. Cela a été perçu comme une arme pour se défendre contre la grande distribution et les grandes plateformes. Amazon lançait à ce moment-là Prime Now et on craignait qu'ils arrivent avec une offre de produits frais. On s'est développé à Lyon. On s'est associé avec le groupe Monoprix, qui est un acteur important pour l'ensemble du commerce de centre-ville et avec qui on essaye d'organiser une logistique commune. 

La logistique, c'est vraiment probablement la partie la plus complexe et la plus stratégique. Quand on vend des produits en local, le dernier kilomètre, c'est une part très importante. Du coût en matière d’e-commerce de proximité, même à moins de deux kilomètres, une livraison pourrait coûter, quel que soit le moyen de transport que vous utilisez, entre 7 et 15 euros. Je ne parle pas du transport, évidemment, d'objets lourds qui nécessitent un camion. Et de ce point de vue-là, c'est extrêmement important de trouver les bons partenaires pour pouvoir se développer. Sur les grandes métropoles, c’est vrai qu'aujourd'hui, il y a une offre existante qui est assez efficace, notamment pour le vélo ou le scooter, voire le piéton.

 

Romain Achard

Travailler avec des acteurs ; quels types d'acteurs, en effet, sur sa livraison en fait ?

 

Edouard Morhange

Nous, on travaille avec différents acteurs parce que c'est vrai qu'on a, à la fois, des zones géographiques différentes. Aujourd'hui, on est sur Paris, Lyon, Bordeaux, Lille, Toulouse et on aime bien travailler avec des acteurs locaux. On transporte aussi des produits de natures différentes. On transporte évidemment un panier avec tous les légumes qui vont dans un sac à dos de livreur à vélo. Et on transporte aussi des plateaux de fruits de mer ou des tartes qu'il faut transporter à plat et donc qui sont transportées en piéton.

On a des modes de livraison différents, donc on travaille beaucoup avec Stuart du groupe La Poste pour le vélo. On travaille avec d'autres plateformes locales ou sur des modes de transport alternatifs ; et en fait c'est un moyen qui nous permet de maximiser l'expérience utilisateur. Avoir la meilleure expérience utilisateur possible, tout en restant à un coût relativement raisonnable par rapport à notre panier qui est de l'ordre de 60 euros. C’est un panier de courses pour une famille pour une semaine.

Donc, voilà comment ça s'est développé jusqu'à ce mois de mars 2020 que personne n'avait anticipé et qui a été un moment de rupture pour nous et d'accélération. Donc, en mars 2020, on est prévenu que l'épidémie du Covid-19 va avoir des conséquences plus graves. Le ministère de l'Economie nous appelle pour nous dire voilà, il va falloir soutenir les petits commerçants et en accueillir plus. Et donc, deux, trois jours avant l'annonce officielle du confinement, on essaye de mettre en place une plateforme pour accueillir massivement des commerçants. On crée une plateforme digitale permettant à des commerçants, qu’on n'irait pas voir en physique, d'envoyer toutes les infos nécessaires pour créer en ligne leur boutique sur la place de marché. 

Et puis, le 16 mars, explosion de la demande. En fait, les gens n'osaient pas sortir, même en bas de chez eux, pour faire leurs courses du quotidien. Donc se tourner vers le digital ; les grandes plateformes, que ce soit la grande distribution, Amazon, etc. étaient complètement à l'arrêt, quasiment, puisque les entrepôts où ils préparaient les commandes, n'étaient pas susceptibles d’avoir des gens qui travaillaient dans des conditions sanitaires convenables.

En fait, on a eu une montée en charge extrêmement violente. On a fait fois 15 sur nos volumes d'eau entre février et mars 2020 ; et avec un modem qui s'est montré super résilient parce que les commerçants, eux, sont restés ouverts. Les commerçants alimentaires, contrairement aux commerçants soi-disant non essentiels, sont restés ouverts. Ils avaient de quoi s'approvisionner. Rungis est resté ouvert avec de la marchandise tout au long de cette période de confinement. Et comme il n'y avait plus de trafic en boutique, ils se sont mis à préparer des commandes pour des clients digitaux jusque-là.

 

Romain Achard

Là-dessus, ça m'intéresse. Il y avait deux choses qui m'intéressaient. Déjà concrètement, comment ça se passe ? Aujourd'hui, je suis un commerçant, je découvre le service. En fait, qu'est-ce que fait Epicery ? Parce que nous, de notre côté, on voit évidemment la plateforme. C'est facile de commander, mais la réalité, c'est que derrière il y a un commerce de bouche, il y a un artisan, un boucher qui doit être au four et au moulin. Comment ça se passe en fait et comment vous les aidez et les accompagnez ?

 

Edouard Morhange

Le principe de base, ça a été de leur fournir une solution clé-en-main et de gérer les trois grands aspects qui ne savent pas gérer ou qui n'ont pas le temps de gérer ; c'est-à -dire la plateforme technologique, le marketing et le contenu et la logistique. La plateforme technologique, c'est évidemment l'application et le site Internet qui permet aux clients de commander.

 

Romain Achard

Ils avaient déjà des sites Internet ou pas ?

 

Edouard Morhange

Très peu. Les commerces de bouche ne voyaient pas beaucoup l'intérêt d'avoir des sites Internet. Ils avaient eu la visite de Pages Jaunes quelques années auparavant, qui leur avait vendu des offres qui n'avaient pas été très concluantes. Ils avaient pour certains, pour les plus jeunes et les plus dynamiques, une page Facebook ; mais l’e-commerce ce n'était même pas envisagé de leur point de vue. Je parle évidemment des commerces de quartier. 

Je ne parle pas des maisons plus organisées qui ont commencé à faire un peu de vente en ligne puisqu'on se souvient que l'un des premiers sites e-commerce français, c'était Fromage.com, qui vendait déjà du fromage. Mais objectivement, aujourd'hui, sur la population des commerçants indépendants en France, on est à moins de 2% des commerces qui font de l’e-commerce. Et leur présence en ligne est extrêmement faible en dehors des réseaux sociaux, où il y a un peu de Facebook. 

Donc nous, on apporte une brique technologique qui non seulement permet de prendre des commandes, mais surtout de les gérer en magasin. Donc, on va gérer en magasin le catalogue. Dire que cette semaine, c'est l'arrivée des asperges, je vais pouvoir les activer. Par contre, c'est la fin des mandarines, je vais les désactiver. Si j'ai vendu mon dernier homard, je vais là aussi le désactiver pour 48 heures, etc. 

Et puis, on va pouvoir recevoir ces commandes qui arrivent sous la forme d’une notification sur une tablette, un smartphone ou un PC. On va pouvoir éventuellement communiquer avec le client s'il y a un problème sur un produit, etc, pour proposer une substitution. Et on va pouvoir finaliser sa commande, la préparer et la marquer comme prête. 

A partir de là, le commerçant n'a plus rien à faire. Nous, on se charge de toute la partie logistique ; donc on analyse en fait en fonction du contenu de la commande de quel type de livreurs on a besoin. On organise la tournée parce que souvent, les gens achètent à la fois la viande, les fruits et légumes, le fromage dans la même transaction. On organise une tournée chez les différents commerçants de la rue commerçante et on va gérer pour eux toute la partie, évidemment, contenu et marketing qui leur permet non seulement de bénéficier, dès le démarrage de leur activités, d'un catalogue de produits qui va être charter avec plusieurs dizaines de milliers de produits de boucherie et de poissonnerie etc ; mais aussi d'avoir de la visibilité puisqu'on se charge à la fois de SEO du SEA, de la partie réseaux sociaux pour eux etc.

 

R.A.

D'accord, donc vous leur simplifiez vraiment la vie et l'accès à la digitalisation ?

 

E.M.

Tout à fait. C'est pour ça que je pense que les commerçants sont extrêmement fidèles parce qu'il y a à la fois une solution qui leur permet de se décharger de l'ensemble des choses qui ne les concernent pas. En fait, eux, ce qu'ils aiment, c'est à la fois la qualité des produits, donc c'est le contact avec le producteur et la relation avec le client. La relation avec le client digital. Parfois, il y a une petite frustration, même s’ils sont nombreux à ajouter un petit mot dans le sac, etc. pour maintenir cette relation. 

Mais sinon, tout le reste, toute la partie techno, la partie marketing ou la partie logistique, ils veulent que ça marche et ils sont très heureux de se décharger complètement sur un acteur tiers.

 

R.A.

Ok, je pense, en effet, on peut dire qu'il y a eu un avant et un après Covid, j'imagine sur la plateforme ; tout le monde a évangélisé sur le fait de commander en ligne, que ce soit sur du click-and-collect, soit de la livraison. Est-ce que t'as des insights, en termes de chiffres ou en termes de mindset global ? Et des commerçants, est-ce qu'ils vont changer d'état d'esprit par rapport à ce type de solution ?

 

E.M.

Comme tu le disais, il y a un avant et un après. On considère que la Covid a été un accélérateur qui a fait gagner trois ans à l’e-commerce en général. Dans l'alimentaire, c'est encore plus frappant parce que l'alimentaire, c'est un secteur qui était assez en retard par rapport aux autres secteurs. On évoquait un chiffre de l’e-commerce dans l'alimentaire qui était d'environ 5% du volume global. En réalité, c'était quasiment exclusivement le drive, donc notamment Auchan, Leclerc et l’e-commerce alimentaire de quartier. C'était pas un vrai sujet. 

Nous, au départ, il a fallu qu'on aille convaincre un à un les commerçants. Lq covid a transformé la situation. Le gouvernement, les régions, les collectivités locales dans leur ensemble ont beaucoup parlé de la nécessité de se digitaliser ; et donc notamment pendant le deuxième confinement, on a eu énormément de demandes entrantes de commerçants qui avaient compris l'intérêt de se digitaliser et qui cherchaient à comprendre quels étaient les différents moyens. 

Est ce qu'il fallait investir les réseaux sociaux ? Est ce qu'il fallait créer son site d’e-commerce ? Est ce qu'il fallait rejoindre une place de marché, etc. Et donc en fonction de leurs besoins spécifiques, les gens ont contacté tel ou tel acteur. Et clairement, typiquement, sur l'univers des places de marché, qui était sans doute le secteur qui s'est le plus développé pendant le confinement parce que ça permet d'avoir de la visibilité quand on est un acteur local, d'être sur une place de marché. 

Les commerçants alimentaires, artisans ou commerçants sont venus sur l'Epicery. On a vu des restaurateurs se diriger massivement vers les agrégateurs Deliveroo, UberEats ; puis les commerçants plus classiques dans le domaine de la beauté, la mode, etc, ont été versés à Discount ou vers Amazon. Chacun a dû faire un travail d'analyse pour trouver le bon acteur. Après, d'autres se sont lancés dans l’e-commerce avec une des solutions type Shopify ou autres. Et enfin, je dirais que les réseaux sociaux et Google ont proposé des offres pour augmenter la visibilité, notamment avec le click-and-collect, qui s'est développé également très fortement pendant cette période.

 

R.A.

Juste sur Local Mania, on m’a pas mal parlé aussi de pas mal de réseaux d'enseignes. Est-ce que vous avez des réseaux d'enseignes qui sont très présents sur votre plateforme en dehors du commerce de proximité ? Ça peut être des chaînes, ça peut être ce type de choses ; c’est des acteurs qui sont présents sur la plateforme?

 

E.M.

Alors oui, comme je disais, on travaille depuis 2018 avec Monoprix et Naturalia. Ils fournissent un complément d'Epicery aux produits frais de nos artisans et commerçants. Et puis, on travaille avec des chaînes de type chaîne de cavistes Nysa, notamment, on travaille avec des boulangeries affiliées, franchisées de réseau. Donc, effectivement, ça peut être une démarche qui vient du siège, comme dans le cas de Nysa ou d'Angelina. Ça peut être aussi des sujets qui remontent depuis les franchisés de Jeff de Bruges ou de la boulangerie Paul qui se disent voilà, finalement, le réseau n'avance pas assez vite, je me positionne moi même sur ce levier là.

 

R.A.

D'accord, et parmi les différents métiers, parce que je pense qu'en effet, un charcutier, un boucher primeur, un poissonnier, etc. Je pense que chacun a une histoire un peu différente. Est-ce que tu as remarqué des métiers qui étaient plus mûrs sur cet aspect digitalisation ?

 

E.M.

Je pense que les Cavistes sont assez en avance. Je dirais qu'il y a une population d'artisans qui, traditionnellement, commencent à travailler très jeune, c’est les bouchers, les poissonniers ; ils font des études plus courtes, ils font des CAP, etc. Et s’ils ont un usage fréquent de la technologie à titre personnel, ils sont un peu éloignés professionnellement de ces univers-là. Les cavistes sont plus proches des restaurateurs et ont donc une histoire, une relation avec le digital qui est plus forte. Ils achètent en ligne, ils sont plus attentifs aux notes qui sont laissées sur les Trustpilot ou Google, etc. Donc, c’est des gens qui sont un peu plus avancés au niveau stratégie digitale. 

Après, ce qui est assez étonnant, c'est qu'en réalité, l'appartenance à un réseau ou la notoriété de la marque a finalement une influence moins grande que le côté très commerçant de la personne qui gère la boutique. Parce que le bon commerçant, celui qui fait plaisir à ses clients en boutiques et qui a la même démarche en digital, va être beaucoup plus fidélisé, va avoir les meilleures notes, va remonter plus haut dans les classements et donc naturellement, en fait, c'est quand le patron est en boutique ou que le directeur du magasin est investi sur cette dimension digitale, qu’on a les meilleurs résultats en termes de chiffre d'affaires.

 

R.A.

Ok, et en termes d'autres outils, parce que là en effet, c'est une plateforme tout en un. Mais est ce que t'as remarqué que des commerces utilisent d'autres outils ? Peut-être, je ne sais pas, des mailing lists, des newsletters, des cartes de fidélité. J'en ai vu pas mal. D'ailleurs, on aimerait bien inviter quelqu'un sur ces sujets-là, sur la carte de FID digitale. Est ce que c'est des choses qu'en général, tes commerces qui sont sur ta plate forme utilisent ?

 

E.M.

Ceux qui sont sur l’Epicery ne sont pas encore sur d'autres outils. Il n'est pas impossible que dans les prochains mois ou les prochaines années, on leur propose une carte de FID, etc. Mais ce ne sont pas des gens qui sont très justement prêts à avoir une stratégie digitale très développée. Donc ils n'utilisent pas tellement d'autres outils. Contrairement aux restaurateurs, on voit que parce qu'ils utilisent un système de caisse digitale, déjà type Tiller, Zelty, etc. Ils vont avoir beaucoup plus de facilité à intégrer des outils qui s'interfacent avec leur système de caisses iPad pour gérer d'autres modules de newsletter, de touche ou que sais-je ? 

Mais ça, c'est vrai qu’il y a un travail de SI, d'intégration, parce qu' envoyer une newsletter, ça implique d'avoir récupéré l'adresse email de tes clients. Et pour avoir récupéré l'adresse mail de tes clients, il faut avoir ta carte de fidélité. Et si tu veux avoir une carte de fidélité, en gros il faudra une caisse numérique. En fait, c'était un parcours qui implique un travail global sur la chaîne de digitalisation de ton commerce. Et je pense qu'aujourd'hui, les restaurateurs sont clairement plus avancés que les commerçants de bouche. 

Les acteurs de la grande distribution, eux, ont des outils qui sont hérités d'une période pré-internet et pré-e-commerce et ils sont plutôt en retard par rapport à d'autres acteurs. Les grandes enseignes, d'une façon générale, ont des problématiques d'héritage, de technologies qui ne facilitent pas leur intégration avec les nouveaux acteurs. Mais je pense que ça viendra. Ca viendra, effectivement, c'est la logique.

 

R.A.

Et avant dernière petite question ; sur toutes ces plateformes type UberEats, on a vu un certain nombre, un vrai courant autour de ce qu'on appelle le Dark Kitchen ; c’est-à-dire des acteurs qui se lancent exclusivement online. Aujourd'hui, est-ce que c'est des phénomènes que t'as rencontré ? Ça serait l'inverse. Des gens qui vendraient en effet, non pas en ayant un vrai commerce de proximité, mais qui vendraient via votre plateforme. En effet, du primaire, un grossiste qui récupérait directement des stocks chez un garagiste où ce genre de choses, est ce que c'est des choses que vous avez remarqué ?

 

E.M.

Les grossistes, c'est assez récent qu’ils s'y mettent, mais c'est effectivement une tendance parce que les restaurants sont fermés, notamment, et que donc, ils ont besoin de se développer sur le B2C. C'est compliqué pour eux parce que en même temps, c'est faire concurrence à leurs clients naturels. Il y a quelques start-ups qui se sont lancées sur ce modèle de vente de produits frais depuis des labos, de préparation depuis un labo. C'est très marginal. 

Ce qu'on constate, c'est effectivement le développement de la livraison des courses, l'équivalent de ce que tu trouves chez Franprix ou à Monoprix, qui doit être livré dans des délais extrêmement rapides par des start-ups. C'est un phénomène qu'on avait connu avec Call ou Frichti, en France il y a quelques années déjà. Donc il s’est accéléré depuis qu’une start-up qui s'appelle Gopuff aux Etats-Unis a connu une croissance phénoménale. Et aujourd'hui, en France, on voit apparaître des acteurs souvent européens qui s'appellent Gorillas, Dija, Cajoo, Get ir, etc. qui te font la promesse de livrer l'équivalent de 2.000 références en moins de dix minutes partout dans Paris. 

C'est un phénomène qui est un peu à côté de notre activité à nous, mais qu'on surveille de près parce que, malgré tout, c’est des sujets de courses. Je pense que ça veut dire quelque chose, ça veut dire qu’effectivement, l'ultra proximité aujourd'hui dans un certain nombre de villes, de grandes villes notamment, a un rapport avec la rapidité de la livraison. Ce que tu étais prêt à attendre 48 heures, il y a 2/3 ans ou que tu étais prêt à attendre 3/4 heures, il y a 2/3 ans ; aujourd'hui, tu le veux dans l’heure, voire tu le veux dans la demi-heure. Ca, c’est un vrai phénomène qui s'applique à tous les commerçants, c'est d'être capable de livrer très vite.

 

R.A.

Ok. Alors dernière petite question, on va jouer un peu à la diseuse de bonne aventure. Ça a évolué depuis que je connais Epicery. C'est vrai qu'il y a eu des profonds changements, et ça a vraiment, extrêmement évolué. Toi, ta vision, dans 5 ans ? Allez, on se lance.

 

E.M.

Vision d'Epicery dans cinq ans ? J'espère qu'on sera présent, déjà, qu’on sera toujours là. C’est quand même, comme toutes les aventures entrepreneuriales, des sujets où il y a des hauts, des bas, des difficultés. Là on a été porté par cette crise sanitaire, bien malgré nous. Mais on sait que demain, il peut y avoir d'autres types de crises. On a été confronté déjà aux gilets jaunes qui ont eu un impact sur les commerces en centre ville, crise sanitaire. Il ne faudrait pas qu'une crise économique accentue la disparition du petit commerce de centre ville. Maintenant, ce que j'espère, c'est qu'effectivement, on sera un acteur qui soutiendra avec les collectivités ce tissu de petits commerçants alimentaires qui fait le charme de nos rues commerçantes. 

J'espère qu'on aura su développer aussi une offre pour digitaliser les marchés forains, ceux qui se tiennent le samedi sur la place du marché, parce que je trouve que c'est un lieu qui a besoin de continuer de se moderniser. C'est l'histoire, finalement, du commerce alimentaire en France. C'est historique et on a besoin de leur fournir des outils qui vont attirer des jeunes, qui vont attirer des gens plus digitaux vers ce type de commerce là également. Et pourquoi pas, après développement vers les pays du Sud qui nous attirent naturellement plus que les pays anglo-saxons, qui n'ont pas une très forte densité et culture de l’alimentaire ; mais l'Italie, l'Espagne, il y a vraiment des affinités claires qui, peut-être, nous amèneront à nous intéresser à ces marchés.

 

R.A.

Ok, alors je regarde du côté des questions. J’ai Steven qui avait posé une question.

 

E.M.

Alors je ne t'entends plus Romain, mais j’ai la question de Steven qui parle des enseignes qui préparent des plats cuisinés sur l'ensemble du territoire. Effectivement, je pense qu'il y a une tendance à proposer finalement une activité de traiteur depuis des labos centralisés. C'est le cas de FamilEat, Rungis, mais c'est le cas à la limite de Frichti, FoodChéri et de sa version national Season, etc. Pour proposer des plats tout prêts à acheter en ligne. Je pense que c'est complémentaire. Bien sûr qu'on va continuer de vendre des plats cuisinés aussi bien en ligne que dans les grandes surfaces ou chez Picard Surgelés. J'espère de mon côté que la consommation de produits bruts, de produits frais restera majoritaire. 

En parler, c'est une question de santé publique. Les produits transformés nécessitent l'ajout de conservateurs, d’émulsifiants, de tas de produits qui fait que ça doit rester des consommations occasionnelles. Et en plus, je pense que pour l'éducation des jeunes générations, leur apprendre à travailler avec des fruits et légumes frais, de la viande, du poisson frais, c'est aussi leur transmettre une histoire et des histoires que l'on ne leur transmet pas quand on réchauffe une barquette qu’on a acheté. Voilà, ça dépanne occasionnellement, mais j'espère que ça restera minoritaire.

 

R.A.

OK, si vous avez d'autres questions, vous pouvez y aller. Je n'en vois pas d'autres pour l'instant.

 

E.M.

Il y a Jean Benoît qui disait que la grande distribution et le patron de Système U parlait d'une hausse de 51% de l’e-commerce en 2020 sur leur réseau. Dans la grande distribution et effectivement, chez Système U, chez Carrefour, chez Leclerc, etc. On est entre +50 et +100% ; sur d'autres secteurs, on est sur plus de 100, +300 %, notamment. Evidemment, tout l'univers des start-ups qui démarrent plus bas ont connu des taux de croissance de 300 à 500 % pour l'année dernière.

 

R.A.

OK, bon, ben écoute ! Merci Edouard pour tous ces éclairs, pour tous ces insights. C'est un peu la logique de notre série de webinaires. Et ben écoute, je te remercie, plein de réussite pour Epicery. Et puis moi, je vous donne rendez-vous déjà jeudi prochain avec Jean Naveau et on va parler de personnalisation du contenu par points de vente. Une chose qui est très à la mode, notamment quand on a des réseaux de points de vente pour personnaliser toutes ces images sur ces réseaux sociaux. Et puis, il y aura plein d'autres choses dont on va parler aussi de SEO très vite. 

Et bien merci. Merci Edouard, et puis merci à toutes les personnes qui étaient présentes et nombreuses aujourd'hui. Et puis à très vite merci.

 

E.M.

Merci Romain, au revoir.